Injures et blasphèmes

Dans des pages déjà anciennesa, j’ai cru pouvoir qualifier de « civilisation du blasphème » l’Occident chrétien des XVIe et XVIIe siècles. En effet, m’appuyant sur de nombreux témoignages de contemporains, j’ai montré qu’en un temps où l’instabilité psychique était grande, les individus dans leur vie de relation passaient constamment d’un extrême à l’autre et de la violence au repentir. D’où peut-être leur promptitude dans les moments de colère à renier Dieu, la Vierge et les saints. Jean Bodin, par exemple, a conscience de l’extension du phénomène. Il écrit dans sa Démonomanie des sorciers (1580) : « Et tout ainsi que Dieu envoie les pestes, guerres et famines par ministère des malins esprits, exécuteurs de sa justice, aussi fait-il des sorciers, et principalement quand le nom de Dieu est blasphémé, comme il est à présent partout, et avec telle impunité et licence que les enfants en font métier. »

Jean Delumeau